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SAVEURS DE CALME ET DE RECUL

Les êtres humains, consciemment ou inconsciemment, cherche un état de paix durable, même si dans les faits, ce n’est pas toujours le cas! Certainement y a-t-il en chacun chacune, la mémoire d’une essence oubliée, l’intuition d’un trésor intérieur de tranquillité et de joie qui demande à être révélé.


La voie du yoga est précisément une voie permettant de développer plus de recul et de paix intérieure, une voie vers la réalisation de l’Être, état de félicité décrit par les grands sages.


Dans les yoga sutras de Patanjali, “le premier chapitre “Samadhi pada” nous indique la direction. La finalité du Yoga, c’est le Samadhi, cet état déconditionné dans lequel, enfin libre des automatismes de comportement et de pensée, on peut faire un avec la vie, en acceptant que tout change et se modifie. Il nous montre les moyens pour y parvenir, les obstacles, et nous dit comment nous pouvons supprimer ces obstacles. Il nous décrit ensuite les différents stades du samadhi.


1.1 Atha Yoganushasanam

Maintenant, le Yoga va nous être enseigné, dans la continuité d’une transmission sans interruption.


1.2 Yogashchittavrittinirodhah

Le yoga est l’arrêt de l’activité automatique du mental


1.3 Tada drashtuh svarupé avasthanam

Alors se révèle notre Centre, établi en lui-même


1.4 Vrittisarupyam itaratra

Dans le cas contraire, il y a identification de notre Centre avec l’agitation du mental” (1)





CULTIVER L’ETAT DE RECUL, DRASHTAR, LE TEMOIN

Qu'est ce que le Drashtar?

“En nous libérant des automatismes, le Yoga nous révèle notre capacité d’être. Cette conscience profonde que Patanjali appelle Drashtar, celui qui voit, c’est le Témoin immobile, permanent, qui nous fait participer à l’énergie cosmique, au-delà de notre incarnation matérielle.

Qu’on le nomme Drashtar, l’Atman, le Soi, le Centre, c’est une richesse commune à tous les hommes, source d’amour, de vie, de créativité, que, pour la plupart, nous cherchons à l’extérieur, alors qu’elle est en nous.” (2)


Dans les traditions orientales, on parle également du “Sakshin”, la conscience témoin, le spectateur. Selon Georg Feuerstein (spécialiste du yoga et de la métaphysique hindoue) “Sakshin, la Conscience témoin, est l’une des plus grandes découvertes de la spiritualité indienne. Au-delà des différents états ou niveaux de conscience se trouve le Soi transcendantal qui est caractérisé comme le témoin (Sakshin) de tous les phénomènes psycho-mentaux. Ce témoin, [...] est la découverte la plus profonde des visionnaires et des sages de l’Inde et, certainement, leur plus grande contribution à la psychologie universelle.”


La conscience Témoin est donc la conscience silencieuse sans limite, un espace d’intimité qui ne peut véritablement se définir et qui sous-tend toute manifestation, permettant de se sentir relié à la Vie dans son essence, là où il n’y a plus de séparation. Goûter la Conscience Témoin, c’est connaitre ce qui Est, toujours, à chaque instant, c’est la révélation d’un espace infini, libre de toute forme, au-delà des pensées, des émotions, des sensations et pourtant incluant tout cela. C’est la liberté de la Présence.


Dans les vedas (ensemble de textes spirituels révélés aux sages indiens, les rishis, il y a environ 2000 ans), il est déjà questions de la Conscience Témoin, le “spectateur” du monde, le Soi, la nature essentielle et véritable. Ramana Maharshi (sage indien du 20ème siècle) en parle comme de “tout ce qui doit être compris comme la présence sans qui rien ne pourrait exister, ce qui est absolument essentiel.”


De nos jours, dans cette civilisation moderne, il est somme toute assez difficile d’avoir du recul, tant le nombre d’informations quotidiennes est énorme, le mental est sollicité sans arrêt, ce qui crée un voile continue sur cet espace de présence qui, s’il n’était pas constamment recouvert, permettrait de goûter la joie de l’instant. Les désirs de chacun et chacune sont sollicités dans des propositions immédiates et toujours renouvelées d’un consumérisme galopant. Les rythmes des individus sont malmenés dans une société de performance et du toujours plus, une fuite en avant où il est difficile de simplement se poser et de ne rien faire. Le stress généré par ces sociétés modernes produit des burn out et des individus dénués de sensibilité ou avec trop de sensibilité, de l’hyper émotivité, du réactionnel, etc...


Comment développer la Présence, le Drashtar?

La voie du yoga dans son ensemble est une invitation à développer la Présence, par une observation calme et détendue, douce et bienveillante, sans attente et sans jugement, à chaque instant de la pratique. Il s’agit d’une attention sans tension et sans direction qui est “pleine écoute”, une qualité de présence totale à la pratique, sans interprétation et sans attachement, dans l’acceptation de tout ce qui se manifeste. Résister amène de la tension et empêche l’énergie de circuler librement. Être spectateur, tout en restant profondément équanime libère, et engendre éventuellement des changements vers plus d’alignement.


Que ce soit dans les postures, les souffles, ou dans les concentrations et les méditations, la Conscience Témoin est là. Développer cette attitude de recul dans la pratique permet petit à petit de laisser des empreintes dans la vie quotidienne, et de goûter à une qualité d’Être, un espace ouvert et non réactionnel, une Présence qui s’intensifie et se goûte à chaque instant





Quelles pratiques de yoga pour faciliter la Présence?

Il n’y a pas à proprement parler de pratiques de yoga dans lesquels la Conscience/Témoin ne serait pas là puisque le propre du Drashtar/témoin est d'être la toile de fond sur laquelle tout se manifeste, la conscience suprême. Mais il est vrai que certaines pratiques ont tendance à aider au développement de la Présence.


Par exemple, utiliser différents types de souffle dans les posture/asanas permet de véritablement se concentrer dans le moment et de calmer le bavardage intérieur. Ou bien en déployant une qualité d’attention non jugeante à tout ce qui est perçu dans le corps, des sensations les plus grossières aux plus subtiles, en prenant connaissance de ce qui se manifeste dans le corps spontanément, que ce soit des tensions ou des sensations agréables, en goûtant à la saveur du moment et au laisser être. La pratique du pranayama va agir dans le sens d’une attention, d’une conscientisation et d’une subtilisation du souffle, engendrant calme profond et permettant d’approcher de l’état méditatif. Les postures d’équilibre généralement sont très intéressantes, car elle demande à la fois concentration et détente, sans quoi on tombe. Les postures statiques seront privilégiées pour se relier au Drashtar, l’immobilité permettant d’être plus facilement dans la sensation globale et subtile du corps, dans cette conscience que tout évènement perçu apparait et disparait dans cette globalité. On peut aussi noter que le regard est très important, les yeux étant directement relié au mental, un regard stable et détendu aura des répercussions sur le mental et permettra de l’apaiser, permettant là aussi de sentir plus facilement la Présence. Toutes les arrêts - entre chaque pratique de yoga - sont importants en ceci qu’il ramène à cette observateur détaché, à cette neutralité de la Conscience Présence.


La méditation est certainement la pratique phare permettant de révéler le Drashtar. Lors des retraites méditation, il est précisément demandé de rester neutre et équanime, quels que soient les sensations, pensées, émotions qui nous traversent. La Conscience Témoin constate alors le fonctionnement interne, le mental qui parle tout seul, qui quelquefois rabâche, tourne en rond, qui réagit positivement ou négativement aux sollicitations extérieures, souvent dans le passé ou dans le futur, dans une sorte d’errance, en passant d’une idée à une autre par simple association, un peu comme le singe passe de branche en branche (les anglais parlent de “monkey mind”, le mental du singe), tous ces fonctionnements automatiques et conditionnements qui créent de l’agitation. La Conscience Témoin peut nous aider à toujours revenir au présent sans nous perdre dans des bavardages inutiles et inconsistants, et ainsi être pleinement neuf à chaque instant.


Extraits du Vijnana Bhairava Tantra:


Stance 103:

“On ne doit s’attacher ni à la douleur, ni au bonheur. Connais toute chose à partir du centre immuable, ô Bhairavi Car là siège la seule réalité


Stance 126:

“On ne doit nourrir de haine à l’égard de personne ni avoir aucun attachement. Là où l’on se tient au centre, libre d’attachement comme de haine, le Réel se glisse doucement.”


Développer l'action consciente

Lorsque le Drashtar imbibe tous les plans de l’être, l’individu devient aligné et ses actions deviennent conscientes, c’est-à-dire non imprégnée par le contrôle de l’ego et de ses propres satisfactions, mais en parfaite synchronie avec l’univers et le coeur spirituel (Hridaya). Il n’y a plus de stratégie, plus rien à défendre, plus d’image personnelle à faire briller, mais une écoute totale du moment présent et de ce qui doit se faire dans l'instant, dans une forme de détachement. Ceci n'empêche pas de programmer ce qui doit l'être, mais il n'y a plus d'attente ni d'accroche contrôlante. Le lâcher prise s'invite et permet un réalignement constant à l'instant.


“Ce que l'univers va manifester quand vous êtes en alignement avec lui est beaucoup plus intéressant que ce que vous essayez de manifester.” – Adyashanti.





CULTIVER L’ETAT DE CALME, SHANTA

La Conscience Témoin, le Drashtar, est donc toujours là, à chaque instant, derrière les agitations et toutes les émotions, derrière tous les voiles mentaux et mouvements intérieures. Mais il est vrai qu’il est plus facile d’y accéder lorsque l’on cultive un état de calme. Et plus cet état de calme est profond et continu, plus l’accès au Drashtar peut se faire aisément, les deux étant intimement lié.


Explorons la nature du calme

On peut distinguer deux types de calmes, le calme transitoire que tout le monde connait par moment, shanta, et le calme profond, absolu qui relève du drashtar, shanti.


a. Le calme transitoire

En Inde, on trouve dans l’expression de la danse bharatanatyam, et dans les arts plus généralement, les nava rasas, ou neuf saveurs. Il s’agit d’états d’être transitoire ou émotions. Il y a Shringara, l’amour, Hasya, la joie, Adbhuta, l’émerveillement, Raudra, la colère, Virya, le courage, Karuna, la tristesse, Bhayakana, la peur, Vibhatsa, le dégoût, et enfin Shanta, le calme. Le calme est vu ici comme un état passager au même titre que les autres émotions, il est transitoire avec un début et une fin. D'ailleurs, chaque individu peut expérimenter des moments de calme, mais rare sont ceux pour qui cela dure constamment.


Cependant, pour la tradition indienne, la paix est notre nature essentielle, et ceci nous amène à shanti, la paix absolu


b. Le calme absolu

Shanti n’est autre que la Présence dans laquelle vivent tous les saints, sages et mystiques. N’est il pas vrai que les sages sont souvent dans un état de contemplation, absorbés dans un état de grâce, ineffable, sans bouger, sans rien faire. Le plus frappant est que de leur simple présence émane une force d’une douceur infinie, et pour qui sait “écouter” leur silence, s’ouvrent alors une réalité empreinte de lumière et de grâce, la vérité du moment présent au-delà des formes tout en incluant toutes les formes.


Comment développer le calme absolu?

Pour développer et goûter la paix, le yoga est une voie royale, une voie holistique qui permet de toucher et d'unifier tous les plans de l'être, allant du plan physique au plan spirituel et métaphysique, en passant par l'énergétique. La difficulté principale sera la plupart du temps de sortir de l’identification avec l’agitation du mental, comme en parle les yoga sutras.


“Comment ce Centre, qui est immobile, permanent, peut-il s’identifier avec la conscience périphérique, essentiellement instable puisqu’elle est reliée aux sollicitations extérieures, par l’intermédiaire des sens?

Comme un diamant qui reflète la couleur du support sur lequel il est posé. Au lieu de rester pur et transparent, il se teinte. On peut imaginer qu’une humeur passionnelle, violente - colère, indignation - va le colorer en rouge, une humeur sombre - peur, dégoût, découragement - le colorer en noir. Le langage populaire est éloquent: voir rouge, avoir des idées noires.

La conscience profonde va refléter cet états de Chitta, le mental au sens large, et le monde change alors à nos yeux. Il n’est plus l’expression de la réalité mais celle de notre subjectivité. On s’identifie à cet état passager, comme le conducteur d’une voiture peut s’identifier à son véhicule, un homme riche à ses richesses, un homme puissant à son pouvoir.

On ne se rend pas compte de cette identification: un mental agité fait écran, comme une eau agité empêche de voir le fond, et le mental ne peut pas connaître le Centre parce qu’il est d’une toute autre nature.

On ne peut qu’enlever les obstacles, calmer cette agitation qui fait écran.

Alors, comme l’eau calme laisse voir le trésor au fond de l’eau, le mental apaisé révèle notre Centre qui nous permet d’accéder à la réalité.” (3)


Pour sortir de l’état hypnotisant du mental discursif et des conditionnements de toutes sortes, pour que la nature de paix et de félicité se révèle, il nous faut, selon la philosophie yogique, dépasser cinq obstacles ou Klesha (yogasutras de Patanjali)

- Avidya, l’ignorance: La plupart des individus ignore ce qu’ils sont vraiment, des êtres spirituels en lien avec le grand Tout. Bien qu’il y ait une recherche de la paix, elle est souvent tournée vers le monde extérieur périphérique au lieu d’être tourné vers l’intérieur et la simplicité de la Présence.

- Asmita, l’identification avec l’ego: L’identification avec le personnage empêche la vision clair de l’Être, et entraîne des croyances de toutes sortes, en lien avec les émotions et les pensées. Dans le champ de l’individu s’affrontent toutes les dualités et pulsions contradictoires. Il y a dissociation du mouvement de la vie ainsi que jugement et réaction, ce qui entraîne un décentrage.

- Raga, l’attachement au plaisir: le refus de l’impermanence et l’attachement au plaisir crée tension et souffrance. Hors, rien ne dure, qu’il s’agisse de bien matériel, de relation, tout est voué à disparaitre à un moment ou un autre. S’attacher ou refuser de lâcher prise crée immédiatement de l’anxiété, du stress et la peur de perdre.

- Dvesa, le refus ou la répulsion: Le refus est lié à la peur de souffrir. Refuser ce qui est crée des tensions, accepter ce qui est permet au changement de se faire. Lorsqu’il y a la peur de se retrouver dans une situation désagréable, l’ego est doué pour imaginer toutes sortes de situations terribles et de scénarios effrayants. Nous sommes alors piégés dans des ruminations, sans trouver de porte de sortie.

- Abhinivesha, peur de la mort et de l’inconnu: l’instinct de conservation amène souvent les individus à rechercher une vie bien contrôlée, avec le moins de risques possibles, ce qui amène à réduire le champ des possibles et enferme dans des habitudes étouffantes. Cet instinct de conservation peut se traduire de milliers de manière possible, allant d'ailleurs jusqu’à parfois avoir des comportements très égoïste qui vont jusqu'à écraser l’autre pour pouvoir se préserver.


Il semble que toutes les souffrances découlent du premier klesha, l’ignorance de notre nature essentielle, notre nature spirituelle.





Quelle sadhana pour développer paix et calme?

Comment pacifier les Tapatraya, les trois tourments majeurs?

- Adhyatmika: la souffrance émanant des causes internes - douleur, maladie, souffrance psychique

- Adhibhautika: la souffrance émanant de l’environnement extérieur (climat, tremblement de terre,... ou des autres êtres vivants (dispute, guerre,...)

- Adhidaivika: la souffrance générée par des facteurs karmiques, le destin, le plan divin


Toutes pratiques permettant de développer le calme va favoriser l’équilibre interne, que ce soit au niveau physique, nerveux, endocrinien, mais également ressource et régénère au niveau énergétique.

Il est particulièrement nécessaire, selon le yoga, pour trouver la paix, de purifier le mental de toutes ses habitudes et fluctuations. Il existe de nombreuses approches. A chacun chacune de voir ce qui lui convient.


  • La voie du hatha yoga tantrique propose une approche inclusive et non duelle, un art de vivre basé sur le développement de la liberté intérieure et de la conscience éveillée. Il donne les moyens de se libérer des conditionnements (héréditaires, culturels, personnels...), en passant par le corps qui est considéré comme un temple sacré, permettant l’alchimie intérieure et le passage de l’être individuel à l’être universel.


Les postures, alliées au souffle, permettent de faire vibrer le corps de différentes manières, et de l'accorder comme un instrument, apportant flexibilité, force, équilibre, détente, légèreté, présence, et harmonisation de tous les aspects de l’être sur les plans physique, émotionnel, mental, spirituel. Toutes les pratiques sont effectuées dans une attitude méditative et sont suivies de temps de pause et d’observation.


Il est intéressant de noter que la répétition du mot Shanti en début et en fin de séance est justement là pour nous rappeler le propos de la pratique du yoga, la paix absolue et la reconnaissance de l’Être véritable.


  • Une pratique de la méditation régulière dans une assise silencieuse est une invitation à la contemplation et permet de sortir de l’identification aux pensées et aux émotions, de prendre du recul, et de prendre conscience de l'espace incommensurable en toile de fond, la Présence


  • La voie du bhakti yoga par les chants de mantras aligne, harmonise, calme, amène de la joie dans le coeur, et permet d’être plus en phase avec l’être profond. C'est la voie du yoga de la dévotion


  • La voie du karma yoga sera la pratique de l'action désintéressée. Cela pourrait être de faire du volontariat, ou tout simplement d'appliquer cette attitude dans la vie quotidienne, en agissant sans attendre de résultat obligatoire, les actions étant effectuées dans un grand détachement, ce qui revient à la formule zen "si ça marche tant mieux, si ça ne marche pas tant mieux"!


  • Si cela est possible, participer à des retraites ou se mettre simplement en retrait dans un lieu calme, à l'écart de l'amoncellement informationnel, sera également une aide précieuse

“La science ne peut pas résoudre le mystère ultime de la nature, et cela, parce qu’en dernière analyse, nous faisons nous-même partie du mystère que nous essayons de résoudre.” - Max Planck


(1) (2) (3) Yoga sutras de Patanjali (traduits et commentés par Françoise Mazet)


Article écrit par Valérie 🙏 Présence et sens



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